Dancez Noëlz !
Les chants de Noël ont un statut particulier. Chantés à l’église, ils se démarquent du chant liturgique par leur caractère « populaire » et leur origine souvent laïque. Dans l’aire profane au contraire, on les nomme spirituels, puisque chants de dévotion et de prière.
Presque toujours en langue dite vulgaire, ces chants racontent les scènes-clé de l’histoire de Noël, et les acclimatent au plus près des situations vécues ou connues par l’assemblée, situant de préférence les personnages dans des lieux et des conditions d’une grande simplicité. Humbles parmi les plus humbles, les bergers occupent une place centrale et obligée. Cette présence a son origine dans le récit biblique(le berger étant aussi bien sûr celui qui veille et qui guide). Les textes exaltent aussi la symbolique pastorale, la foi des simples. Pourtant l’origine de ces textes, comme de ces chants, est loin d’être rurale. Que ce soit pour des raisons mnémotechniques, ou tout simplement pour s’appuyer sur des airs à succès, les pieux Noëls empruntent le plus souvent au répertoire des vaudevilles, des airs à danser, et en général à des timbres connus, sans exclure ni les chansons d’amour, ni les chansons à boire traités en parodies. Les textes eux-mêmes, abondent en considérations prosaïques : Janneton qui, prétendant un mal de pieds, ne peut se rendre à la crèche sans se faire porter. Plus significativement encore certains faits sont amplifiés : « La saleté de cette horrible étable » dans un noël provençal, ou Jésus tremblant de froid – « à peine avait-il des langes ». Tous ces détails ne sont pas gratuitement triviaux mais attestent du caractère extraordinaire et hautement rédempteur de l’incarnation, du rapport de l’humain à la matière et au mystère impensable d’un Dieu nouveau-né.
Ces points de vue réalistes, où dominent le concret et le charnel sont à l’œuvre également dans les images de rassemblement enthousiaste, de convergence vers les lieux symboliques. Ces mouvements et ces scénographies qui attestent d’une réjouissance collective, font une place assez constante à la danse.
L’idée d’associer chants de Noël et danse vient d’ailleurs plutôt spontanément. Si le style de ces mélodies se réfère parfois au Cantique et évoque la louange vocale, nombre d’entre elles présentent des caractères manifestement chorégraphiques. Parmi les airs baroques on peut reconnaître des Gavottes (A la venue de Noël, Joseph est bien marié, Où s’en vont ces gays bergers…) ; des Menuets (Vous qui désirez sans fin, Noël pour l’amour de Marie, Si c’est pour ôter la vie…) ; mais aussi des chants sur des airs de danse en vogue ou même sur des pièces chorégraphiques composites bien connues.
Concernant les airs plus anciens, la première attestation chorégraphique date du début du XVIe avec la Basse Danse A la venue de Noël que donne Jacques Moderne. L’air A la Saint Nau cite partiellement un Branle de l’Orchésographie de Thoinot Arbeau, célèbre manuel de danse du XVIe s. Plusieurs paraphrases de danses de procession, Pavanes, Allemandes, chantent Noël sur des textes composés expressément. Une Allemande très connue, Une jeune fillette, prend ainsi divers titres (Une jeune pucelle, Une vierge parfaite…) et se pare de textes divers entre le XVIe et le XVIIIe siècle, devenant par ailleurs le probable canevas d’un des premiers chants de Noël canadiens, dit aujourd’hui le Noël huron. Elle est aussi présente dans la messe de minuit de Marc-Antoine Charpentier, où elle sert d’intonation au troisième Kyrie.
Ces airs qui ont constamment leur origine dans le domaine français de la chanson, de l’air de cour et de la danse, voyagent au gré des langues vers les contrées les plus diverses, d’abord vers les régions (Poitou, Bourgogne, Provence) puis vers les colonies, ou les pays étrangers, comme cet exemple tardif du Branle de la Haye de Thoinot Arbeau qui devient célèbre en plein XIXe siècle en Angleterre et aux Etats-Unis sous forme d’un Gloria, en langue anglaise évidemment.
Nos timbres familiers se transforment donc en structures génératrices de nouvelles formes vocales, instrumentales, chorégraphiques. Ils portent avec simplicité l’inlassable narration d’une histoire commune toujours réinventée, au plus proche d’un temps quotidien, où la matérialité concrétise une tension forte entre contingence et spiritualité, entre réalisme et mystère. Ainsi entre Judée et Savoie, entre Bethléem et Québec, le chant accompagne-t-il les acteurs de la fête dans leur démarche d’imagination et d’appropriation des événements ancestraux, et les aide à rejouer eux-mêmes ces rôles et ces événements.
De la danse dans un concert de Noël
Le résultat scénique recherché tient de la rencontre et de l’échange, de la juxtaposition et du contraste entre les styles, modes d’expression, chants et danse. Ce ne sera pas un ballet baroque, ni une scène de bal de village. Ce ne sera pas non plus la reconstitution d’un mystère de Noël traditionnel. Ou plutôt ce sera tout cela à la fois, où l’on ne craindra pas de se réjouir par le saut, le geste, la danse, et où l’accord entre voix et instruments, entre musique et danse manifesteront l’accord entre réalité et spiritualité, comme dans ce Noël provençal :
Guillo pran ton tamborin
« L’homme et Dei son pu d’aicor,
Que la fleûte et le tambor.
Au son de cés instruman,
Turelurelu, patapatapan,
Au son de cés instruman,
Chanton, danson, sautons-an. »
Les chanteurs et les danseurs pourront incarner personnages, allégories, émotions et actions, dans une multiplicité de formes et une certaine polyglossie, au propre et au figuré. Diversité des langages, poétiques, vocaux, instrumentaux ou chorégraphiques, contraste entre les œuvres et les époques, construiront une sorte de Babel scénique à partir d’un corpus unificateur.
Le choix de la diachronie permettra aux chanteurs et danseurs, s’appuyant sur les différents styles, de révéler la diversité des genres, de la basse danse à la danse baroque figurée.
Les airs chantés, renaissants ou baroques, alterneront avec les airs instrumentaux, la danse entrant en action plutôt sur ces derniers. Schématiquement, on passera du spirituel au terrestre par le biais de la danse, sans exclusive ni esprit de système.
Programme
Œuvres des XVIe, XVIIe et XVIIIe :
Certon, Gervaise, Aux-Cousteaux, Lebègue, Charpentier, Delalande, Corrette.
Les dates précédentes
13 Déc. 2014 : Sarre Union 20h30
Distribution
Direction musicale : Patrick BLANCDirection chorégraphique : Hubert HAZEBROUCQMise en espace : à déterminerCréation lumière : idemEffectif : Emilie André, soprano ; NN, haute-contreHubert Hazebroucq, danseurIrène Feste, danseusePatrick Blanc, François Mützenberg : musettes de cour, flûtesStéphanie Pfister, violonFranziska Finckh, Viole de gambe, violoncelleAline Zylberajch, clavecin et orgue positif12 Déc. 2014 : Sarrebourg20h30
Distribution
Direction musicale : Patrick BLANC
Direction chorégraphique : Hubert HAZEBROUCQ
Mise en espace : à déterminer
Création lumière : idemEffectif :
Emilie André, soprano ; NN, haute-contre
Hubert Hazebroucq, danseur
Irène Feste, danseuse
Patrick Blanc, François Mützenberg : musettes de cour, flûtes
Stéphanie Pfister, violon
Franziska Finckh, Viole de gambe, violoncelle
Aline Zylberajch, clavecin et orgue positif